Chronique littéraire: le Trône Royal

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Introduction

Sedoefia est le nom du personnage central de cette pièce de théâtre. Ce nom éwé pouvait être aussi le titre. Et ce titre signifie la loi l’a fait, l’a constitué, l’a installé Roi. Mais de quelle loi s’agit-il puisqu’il y a plusieurs lois ?

La loi naturelle que tout le monde constate (par exemple, le soleil succède à la nuit, l’eau bout à 100 degrés etc). Appliquée aux hommes, cette loi mécanique s’appelle le destin.

Il y a aussi la loi de la société : lorsqu’elle ne concerne qu’une communauté traditionnelle, on l’appelle les traditions.

Il y a enfin la loi de la conscience : cette dernière m’indique en moi, ce qu’il est bon de faire ou de ne pas faire. Et cette conscience, pour l’auteur, est le tout premier sanctuaire de Dieu.

Ces différentes définitions de la loi nous aident à mieux comprendre quelques intentions de l’auteur ou leur interprétation dans cette œuvre.

Un message d’évangélisation pour tous les croyants sans distinction : l’auteur, un grand responsable de l’Eglise catholique, n’utilise pas la Bible. Le lecteur, animiste, peut être étonné de le voir partir de nos théocraties animistes pour délivrer son premier message à tous les croyants au-delà de leurs divergences, car pour lui, dans la plus humble des croyances, il y a un noyau dur qui les réunit toutes et qu’il faut sauvegarder : l’homme est sacré et tout sacrifice doit être à son service ; rien ne peut justifier qu’on le sacrifie.

Le deuxième message est un message politique. Cette pièce, écrite et publiée pour la première fois aux défuntes éditions NEA il y a assez longtemps, rattrape notre brûlante actualité et garde tout son titre : Le Trône royal qui fait écho au tout dernier livre de l’auteur Crise de pouvoir, abus d’autorité interpelle les dirigeants africains. Seule « se », la loi, peut et doit faire le « fia », le Roi. Un roi qui suit la loi établie dans sa société ne peut pas chercher à la dominer mais à rester au service de cette société. Le Roi, le plus grand citoyen dans un pays doit être en même temps son plus grand serviteur. Mais que faire quand son entourage, le conseil des notables ou l’assemblée des députés par exemple veulent le forcer à appliquer une loi mortelle que le silence des enfants et les cris des parents interpellent normalement à réviser ? Dans ce cas répond Monseigneur Barrigah, le Roi ou celui qui y aspire à l’être doit se référer à sa propre conscience, refuser de la violer. D’où le troisième message de l’auteur, qui se mue en simple penseur.

Le message devient tout simplement philosophique : il vaut mieux violer une loi inique que de violer sa propre conscience, c’est-à-dire la conscience conforme à la morale à laquelle aspire notre humanité.

Mais notre écrivain-prête n’est pas un simple moraliste mais un grand artiste. On l’a entendu chanter, il se révèle ici dans ce livre un grand conteur. Le personnage du griot, qui intervient même dans l’intrigue, surtout par un prologue au début et un épilogue à la fin, nous donne l’impression qu’on nous raconte une histoire à travers les autres personnages.

Le style est simple comme dans un conte et recourt ici et là aux proverbes pour exprimer une préoccupation profonde. La structuration de ces messages est puissante. La force expressive du livre réside même dans l’architecture des idées. Je vous laisse plutôt découvrir au lieu de vous raconter à mon tour quoi que ce soit. Bonne lecture et bonne mise en scène dans les écoles.

Claude ASSIOBO TIS, écrivain, critique, conseiller littéraire des Editions Saint Augustin Afrique

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