Dans notre parution N° 918 du 27 Octobre 2020, nous avions lâché quelques documents légers qui renseignent néanmoins sur les pratiques peu orthodoxes au sein du CSFPPP en matière de gestion. Il y a particulièrement une facture, celle de l’Etablissement La Nouvelle TENDANCE portant sur un achat de champagne à 13 210 000 FCFA. L’histoire qui entoure cette facture permettra à chacun d’avoir une idée de comment certains responsables du CSFPPP, depuis des années, utilisent des membres de leurs familles pour fabriquer de fausses factures afin de justifier des dépenses. Nous y reviendrons largement.
L’audience qui s’est déroulée au palais de justice de Lomé le 28 octobre dernier avec un procureur et le juge du siège qui se sont pratiquement rangés du côté de la partie civile, nous conforte dans notre position que ce procès est téléguidé depuis les salons de ceux qui veulent se servir de la justice pour se blanchir. La justice étant rendue au nom de peuple togolais, il ne sert donc à rien de remettre à des magistrats qui ont laissé le droit de côté pour raisonner comme les grilleurs d’arachide de Djarkpanga les documents (preuves) qui, au finish, ne serviront à rien, puisque la décision de condamner le journal et son directeur de publication est prise avant même la tenue du procès. C’est donc aux populations togolaises spoliées à travers ce scandale que nous adressons certains documents (pas tous) afin que chacun puisse avoir une idée de ce que les membres de ce fameux CSFPPP font avec l’argent du pétrole depuis bientôt une vingtaine d’années.
Avant d’en arriver là, il convient de rappeler que lors des quatre (04) audiences, les différents juges du siège (Abitor et Gnon et les représen tants du Parque t (Mahounou et Mawama) ont déclaré n’avoir jamais appris que la présidence de la République a lancé un audit après les révélations du 9 juin 2020. Cette position a été largement soutenue par la partie civile qui, pourtant, savait très bien que leur client a été écouté avec son père le 24 août 2020 par deux inspecteurs. Une séance qui a d’ailleurs poussé ce dernier à envoyer un courrier le 27 août au ministère du Commerce, de l’Industrie, du Développement du secteur privé et de la Promotion de la consommation locale pour se plaindre de l ‘ attitude des inspecteurs. Cette audition, Me Elom Kpadé, l’un des avocats de la défense l’avait bien martelée à la partie civile qui feignant de ne pas le savoir avant de demander au juge de sursoir à statuer, en vain. Qu’à cela ne tienne, depuis le lundi 26 octobre, le rapport provisoire de l’audit a été transmis aux membres mis en cause du CSFPPP, comme l’exigence la pratique pour avis, observations et éventuelles contestations. Ils ont un mois pour faire parvenir leurs réactions. Ce rapport, selon les échos qui nous parviennent, n’est pas favorable à la partie civile. Les faits seraient encore plus graves que les révélations de notre parution du 9 juin. Une gravité qui amène les i n s p e c t e u r s d a n s l e u r s recommandations à demander au ministre du Commerce la révocation de trois personnalités du CSFPPP et leur mise à la disposition de la justice, mais aussi le remboursement au Trésor public des milliards détournés. Le ton a, depuis, changé.
A l’audience du 2 8 octobre, l’un des avocats de la partie civile, celui-là même qui fait office du lutin (on s’occupera de lui plus tard et il comprendra si nous sommes journaliste ou activiste politique malsain. Quand on traine des casseroles, on fait moins de bruit) du groupe, a lâché cette phrase qui dit tout : « Je peux admettre qu’on parle des cas de détournement, mais pas qu’on dise que mon client a fui pour l’Afrique du Sud ». Et pourtant dans son marathon médiatique où il s’efforçait de nier l’évidence et de faire des démonstrations vaseuses, il niait catégoriquement le détournement. Les faits sont aujourd’hui établis dans ce rapport et donc les mis en cause cherchent à se soustraire de leurs responsabilités sur des choses dérisoires. Ils tenteraient même de remettre en cause la probité morale du principal inspecteur des finances q u i cumule p l u s d e 1 5 a n s d’expérience. Au lieu de faire profil bas, ils veulent se lancer sur une voie suicidaire. Ils ne veulent pas couler seuls. Tant mieux, on verra ceux qu’ils veulent entrainer dans leur chute.
Les DAT qui renvoient aux cas de conflits d’intérêts
Dans la parution du 9 juin consacrée au scandale sur la commande du pétrole, nous avions évoqué largement les DAT (Dépôt à terme) qui rapportent des centaines de millions d’intérêts à certains membres du CSFPPP et aux responsables de la société Management Hydrocarbure principalement Francis Sossah Adjakly et Fabrice Afattsawo Adjakly. Les documents que nous avons jugé nécessaire de lâcher dans cette parution ne sont qu’un échantillon de ces DAT disséminés dans plusieurs banques de la place.
DAT de 3,7 milliards de francs CFA à BIA-TOGO en 2012
Ce document parmi tant d’autres nous donne une idée des DAT ouverts dans les banques du Togo par le Coordonnateur du CSFPPP Monsieur Francis Sossah Adjakly, et parfois ce qui est extraordinaire, des taux proposés par ses propres soins en accord avec la banque. Ces c o m p t es de cantonnement sur une courte durée au taux d’intérêt de 5%, et parfois plus, permettant au coordonnateur d’engranger d’énormes bénéfices en un temps record. Dans le courrier réponse à sa demande, la banque précise que c’est un client très privilégié, en d’autres termes, les opérations de cette nature sont permanentes au sein de cet établissement bancaire. Ces genres d’opérations se faisaient déjà en 2012. Le CSFPPP est une structure administrative créée par décret N° 2010-146/PR dépourvue de personnalité juridique. A partir de cet instant, le coordonnateur d’une structure administrative sans personnalité juridique a-t-il le d r o i t d ‘ o u v r i r d a n s l e s établissements bancaires des comptes DAT ? D’où proviennent les fonds qui servent à ouvrir ces comptes ? A qui profitent les intérêts générés par ces DAT ? Les ministres assurant la tutelle (Commerce, Economie et finances, Mines et énergie, Primature) sont-ils au courant de l’existence de ces DAT ? Le Trésor public est-il au courant de ces opérations et des bénéfices engrangés ? Les énormes intérêts de ces DAT sont virés sur les comptes courants, soit du CSFPPP soit de Managment Hydrocarure.
Les DAT ouverts à l’UTB-TOGO
Depuis 2009, en dehors des comptes courants, le CSFPPP a ouvert jusqu’en 2020 des comptes DAT, comme on peut le remarquer sur les documents. Ici comme ailleurs, les mêmes préoccupations reviennent : qui encaisse les bénéfices générés par ces DAT ? Il faut rappeler que ces comptes DAT sont logés dans plusieurs banques de la place. Faut-il également le préciser, au sein du CSFPPP, Francis Sossah Adjakly est le Coordonnateur et son fils Fabrice Affatsawo Adjakly, Directeur financier. En d’autres termes, ils sont les seuls à ordonner les dépenses sur ces comptes en toute tranquillité sans l’intervention d’un tiers, même pas du Trésor public. Et pourtant le CSFPPP est une structure administrative créée par décret présidentiel placée sous la tutelle du ministère du Commerce. Ces documents que nous rendons publics ne sont en fait qu’un échantillon d’une pile de documents qui renseignent sur le fonctionnement du CSFPPP mais beaucoup plus sur les méthodes mises en place pour détourner les fonds.
Comptes courants mixtes et DAT Management Hydrocarbure-CSFPPP, une curiosité
Dans les livres des établissements bancaires au Togo et particulièrement à l’UTB on retrouve plusieurs comptes courants ou DAT mixtes au nom de Management Hydrocarbure et le CSFPPP. C’est tout de même une sacrée curiosité puisqu’il a été dit que la société privée est une exigence des traders qui ont donné mandat à des tiers pour veiller sur leurs intérêts et le CSFPPP est une structure administrative placé sous la tutelle du ministre du Commerce dépourvue de personnalité juridique. En analysant ces trois extraits des comptes, la première question est de savoir les documents produits pour l’ouverture de ces comptes mixtes. Est-ce un groupement ? Si oui, c’est sous quelle forme juridique ? Quelles sont les modalités de fonctionnement de ces comptes? En d’autres termes, qui sont habilités à faire des opérations sur ces comptes mixtes ? Comment les intérêts générés par ces comptes sont-ils partagés entre les deux entités ? Nous serons curieux de le savoir.
Compte séquestre de Management Hydrocarbure et les virements à Mme Bernadette Legzim-Balouki
L’acte notarié de Management Hydrocarbure a été établi en 2016. Mais déjà en 2014, cette société privée disposait à l’UTB d’un compte séquestre N° 473807-7004 000. Créée le 1er janvier 2014 ce compte a servi à faire des mises à disposition (virements) des retraits par chèques, etc. Comme on peut le lire sur le document, du 30 mai 2014 au 10 juillet 2015, soit un an, il y a eu 5 virements du compte séquestre en faveur de la ministre du Commerce. Le montant cumulé de ces virements est de 528 620 000 francs CFA.
Pourquoi la société Management Hydrocarbure qui soi-disant a été créée pour veiller sur les intérêts des traders, vire-t-elle plusieurs dizaines de millions au profit de la ministre du Commerce, autorité de tutelle du CSFPPP ? Est-ce l’argent collecté auprès des markerters qui permet de lui faire ce mirobolant cadeau les fonds venus de l’un des traders, puisque nous avions évoqué les méthodes de l’un des traders qui n’hésite pas à mouiller les gens pour obtenir les marchés ? Si en un an, Mme Bernadette Legzim-Balouki reçu plus d’un demi-milliard de Management Hydrocarbure, on imagine le magot qu’elle amassé en 6 ans au ministère du Commerce. La plupart des ministres ayant occupé ce poste étaient gratifiés de ces virements de dizaines voire centaines de millions. Nous voici au cœur du système de corruption qui a permis au mécanisme de détournement sur les commandes de durer des années.
Il faut faire remarquer que le 29 mars 2016, ce compte séquestre a été approvisionné de 400 millions de francs CFA pour l’ouverture d’un DAT. En 2012, si nos souvenirs sont exacts, Faure Gnassingbé, dans un discours à la Nation dénonçait sous cape l’accaparement des richesses du pays par une minorité. Depuis, rien n’a été fait pour démanteler cette minorité. Les milliards détournés sur les commandes de pétrole depuis une quinzaine d’années, les centaines de millions virées sur les comptes des ministres et autres auraient pu servir à équiper nos hôpitaux publics de scanners, construire de nouveaux centres de santé pour sauver des vies, construire des salles de classes pour les élèves ou les amphithéâtres pour les étudiants et pourquoi pas payer les primes des enseignants et autres agents de l’Etat. Dans ce pays où on manque de tout, ces fonds détournés ne pourraient-ils pas servir à soulager les populations ? Mme Bernadette Legzim-Balouki est actuellement députée de la Kozah. Pendant qu’elle empochait plus d’un demi-milliard entre 2014 et 2015, sa circonscription électorale est dépourvue de scanner jusqu’à ce jour. Les habitants sont obligés de franchir la frontière du Bénin pour aller faire le scanner à Djougou ou à Tanguiéta s’ils ont la chance d’arriver vivants en ces lieux. Et pourtant, un scanner de marque General electric à 32 barrettes se vend à moins de 300 millions de FCFA, c’est-à-dire qu’on aurait pu offrir à ces populations un scanner dans les 528 620 000 FCFA qu’elle a reçu de Managment Hydrocarbure. Dans le cadre de nos investigations dans ce dossier, nous avions contacté à plusieurs reprises (appels, messages, etc.) l’ancienne ministre du Commerce qui a promis de nous rappeler en vain. Il était justement question pour nous de lui demander pourquoi elle recevait autant de cadeaux des Adjakly, à savoir virements bancaires, maisons, bijoux, voitures, etc.
Note de débit N° 309 /2016 adressée à TOGO et SHELL- 2016
Ce document démontre à lui seul les anomalies du fonctionnement du CSFPPP, mais aussi les conflits d’intérêts qu’on peut déceler facilement. Comme nous avons eu à l’évoquer dans nos parutions précédentes concernant ce dossier, jusqu’en janvier 2016, c’est le CSFPPP qui s’occupait de tout le processus de commande du pétrole jusqu’au bout. Le 29 avril 2016, la famille Adjakly (père et fils qui assument déjà les plus hautes responsabilités au sein du CSFPPP) décide de créer une société de droit privée Management Hydrocarbure SARL, avec un capital social de 10 millions de francs CFA dont ils sont les seuls administrateurs (Confer facsimilé). Une fois cette société familiale créée (le père détenait 45% des actions, le fils et les deux filles chacune 15%), ils amputent au CSFPPP certaines de ses prérogatives (curieusement les plus juteuses) qu’ils attribuent à leur structure privée (Management Hydrocarbure). Cette opération d’amputation des prérogatives du CSFPPP avait à l’époque créé des remous au ministère, mais l’affaire est restée sans suite.
Lorsqu’on dénonce cette anomalie, les avocats de la partie civile rétorquent que ce sont les traders qui ont donné mandat à des structures privées (Management Hydrocarbure) pour s’assurer du paiement de leur livraison des produits pétroliers après collecte des paiements auprès des marketers. Collecte également assu rée par Management Hydrocarbure. Pourquoi jusqu’en janvier 2016, c’est le CSFPPP qui s’occupait de toutes ces tâches et subitement en avril de la même année, les traders ont manifesté le désir de confier à des entreprises privées le paiement de leurs livraisons ? Qui sont les traders qui ont manifesté leur désir ? Existe-t-il un mandat à cet effet et si oui, signé de combien de traders, sachant que ces derniers sont des concurrents ? L’Etat togolais qui s’assure du fonctionnement du CSFPPP, le pétrole étant une ressource stratégique, était-il au courant de cette combine et a-t-il donné son aval pour que les prérogatives du CSFPPP soit amputées pour être confiées à une structure privée ? Si oui, existe-t-il un document ? Et pourquoi depuis le décret de 2010 portant création du CSFPPP n’a-t-il pas été modifié ? Pourquoi comme par hasard, ce sont les Adjakly déjà membres du CSFPPP qui créent et gèrent cette structure privée au lieu d’une tierce personne ? Il revient à tout un chacun de répondre à ces interrogations.
Pour revenir au document en question, on peut facilement identifier une confusion totale. L’en-tête du document mentionne « ministère du commerce », en dessous on voit Management Hydrocarbure. Question : quel est le lien entre le ministère du Commerce et Management Hydrocarbure qui est une société de droit privé pour que les noms des deux entités soient inscrits sur un même papier ? Ce document a été produit au nom de Management Hydrocarbure. Que cherchent alors sur ledit document les mentions du ministère du commerce et le CSFPPP ? Voilà les éléments qui renforcent la thèse du conflit.
Facture pour la finition des travaux des futurs bureaux du CSFPPP dans l’immeuble SGI
Cette facture s’inscrit dans la même veine que la note de débit que nous avons commentée plus haut consacrant ainsi le conflit d’intérêts. Sur cette facture, il est écrit : « Suivi de l’exécution des travaux de finition des futurs bureaux CSFPPP d a n s l’immeuble SGI » Super ! De mémoire des Togolais, du moins ceux qui suivent depuis des lustres le dossier, le CSFPPP n’a jamais eu de bureaux dans l’immeuble SGI non loin de l’OTR. Les bureaux du CSFPPP se situent dans le sous-sol du bâtiment du ministère du Commerce. Par contre, c’est Management Hydrocarbure, la société privée dont l’ex-coordonnateur du CSFPPP et son fils sont propriétaires, qui a pris ses quartiers dans l’immeuble de la SGI. Le coordonnateur a-t-il utilisé les fonds du CSFPPP pour aménager les futurs bureaux de sa société privée qui, dit-on, aurait été créée sur recommandation des traders pour veiller sur leurs intérêts ? Jugez en vous-même.
L’épineuse question des Platt’s, référentiel des pricings
C’est l’un des éléments majeurs de la fraude sur les commandes, tout comme le coût du dollar utilisé. La cotation ou pricing est faite dans la zone FOB MED, c’est-à-dire en USD. Si l’importation est faite sur la base trimestrielle, alors la livraison du deuxième trimestre devrait se faire entre avril et juin.
Il est tout de même curieux que le CSFPPP qui a des DAT dans plusieurs banques de la place avec des intérêts énormes ne dispose pas de ressources financières pour un abonnement à Platt’s qui coûte entre 100 et 200 000 dollars l’année. La question des Platt’s et le coût du dollar feront l’objet d’une autre parution. Nous démontrerons comment les pricings sont manipulés et comment des gens se sont récemment organisés pour faire évaporer 8 milliards de francs CFA et comment sur chaque litre d’essence vendu, certains m e m b r e s d u CSFPPP empochent 20 francs CFA.
Lire aussi : http://presse-alternative.info/petrolegate-argent-bijoux-voiture-comment-bernadette-legzim-balouki-etait-entretenue-par-le-csfppp-plusieurs-acteurs-impliques-dans-le-scandale-auditionnes/
Somme toute, nous n’attendons pas grand-chose du dé libéré du Mercredi 4 novembre, les juges ayant décidé de laisser de côté le droit et faire plaisir à leurs amis qui tirent les ficelles. Nous avions parlé de mécanisme mis en place pour frauder depuis des années. Il va sans dire que pour comprendre ce mécanisme, le plaignant qui est l’un des cerveaux devait être à l’audience pour un débat contradictoire et le juge lui-même devrait s’entourer d’experts dans le domaine pétrolier. Ils ont choisi de faire la fuite en avant pour noyer la vérité. A partir de cet instant, nous n’avons d’autres choix que de mettre à la disposition de l’opinion et de façon pédagogique les éléments de ce dossier fumant à l’allure d’un scandale d’Etat. Bon à suivre !